O SORRISO DE PANDORA

“Jamais reconheci e nem reconhecerei a autoridade de nenhuma pretensa divindade, de alguma autoridade robotizada, demoníaca ou evolutiva que me afronte com alguma acusação de pecadora, herege, traidora ou o que seja. Não há um só, dentre todos os viventes, a quem eu considere mais do que a mim mesma. Contudo nada existe em mim que me permita sentir-me melhor do que qualquer outro vivente. Respeito todos, mas a ninguém me submeto. Rendo-me à beleza de um simples torrão de terra, à de uma gotícula de água, à de uma flor, à de um sorriso de qualquer face, mas não me rendo a qualquer autoridade instituída pela estupidez evolutiva da hora. Enfim, nada imponho sobre os ombros alheios, mas nada permito que me seja imposto de bom grado Libertei-me do peso desses conceitos equivocados e assumi-me como agente do processo de me dignificar a mim mesma, como também a vida que me é dispensada. Procuro homenageá-la com as minhas posturas e atitudes e nada mais almejo. É tudo o que posso dizer aqueles a quem considero meus filhos e filhas da Terra. “ In O SORRISO DE PANDORA, Jan Val Ellam

sábado, novembro 12, 2022

à cause de cette influence négative du christianisme




SYMBOLISME DU SERPENT...

 
Le serpent, animal qui au premier abord n’éveille pas en nous des images très positives, mérite pourtant que l’on s’y attarde un peu. La symbolique qui entoure ce reptile remonte aux temps les plus anciens, et a imprégné les rituels et l’imagerie de nos lointains ancêtres. Rares sont les cultures dans le monde où le serpent ne soit pas présent. S’il existe une figure mythologique incontournable, c’est bien celle de ce reptile si méconnu de nos jours. L’histoire de ses mythes nous invite à un voyage au plus profond de notre mémoire et de notre esprit, car elle va nous révéler des mystères insoupçonnés de notre être et de notre environnement. Loin des clichés maléfiques imposés par une vision tronquée et réductrice, cet animal réclame qu’on lui redonne enfin sa juste valeur.
À l’aube de notre civilisation européenne, durant le paléolithique, alors que les premiers européens, chasseurs et cueilleurs, vivaient encore dans des grottes au plus profond des forêts de notre vieux continent, furent peintes et gravées les premières figurations du serpent. Ces images rupestres sont le témoignage d’un processus mental important pour nos ancêtres de cette période si reculée dans le temps. Elles reflètent un éveil de l’esprit, une véritable prise de conscience de l’être humain par rapport à la roue du temps influençant son destin, et par rapport à l’interaction qui se génère entre l’homme et son environnement. Cet art pariétal nous parle de la dimension magico-religieuse qui entourait l’univers psychologique des clans vivant alors en symbiose totale avec la nature. Ce sont de simples traits qui, à cette époque, représentaient le serpent. Ces traits, véritables lignes vivantes sans commencement ni fin, étaient l’expression de toutes les métamorphoses qui se prolongent dans le monde occulte infini. À ce titre, le serpent était une manifestation du sacré naturel, une hiérophanie.
Telle une apparition de l’au-delà, le reptile se glisse durant le jour au travers des méandres de la terre. Silencieux, il rampe en se confondant avec l’élément naturel qui l’englobe, pour ensuite trouver refuge dans le monde souterrain dont il procède. Là, il se complait dans une quiétude intemporelle, reposant dans les entrailles obscures de la Terre-Mère et de la conscience humaine. Et soudain, rapide comme un éclair, il jaillit hors des ténèbres, pour cracher son venin, pour donner la mort, ou bien pour laisser vivre. Ensuite, il retourne dans le monde invisible, vers les profondeurs de la terre, et symboliquement vers l’inconscient de l’être humain. Le serpent est un animal tout aussi mystérieux qu’imprévisible, ses décisions naissent d’un monde occulte et hermétique. Il exprime tout et son contraire, il n’est ni bon ni mauvais ; il est, comme dirait Nietzsche, au-delà du bien et du mal. Il est la vie et la mort, la lumière et l’obscurité, la force masculine et féminine à la fois. Plus qu’un élément mythologique, il représente un véritable complexe archétypal, il réunit en lui tout un éventail d’images symboliques. Mais dans tous les cas de figure, ce reptile est associé au concept des genèses, il est ainsi presque toujours à l’origine de quelque chose. C’est à la nuit des temps que les mythes placent sa chronologie issue de l’infra-monde froid et visqueux. De son monde énigmatique proviennent les manifestations du principe vital et de toutes les forces de la nature. René Guénon disait du serpent, invisible et intemporel, qu’il est lié à la notion même de la vie. C’est un Dieu très ancien que nous retrouvons au début de bien des cosmogénèses. Cette manifestation de la force vitale de la nature qu’il incarne, fut révérée par de nombreux peuples de la préhistoire, jusqu’à ce que petit à petit, il soit détrôné par les Dieux de l’esprit, les Divinités de la raison. Ceci est par exemple très bien illustré par le combat du Dieu Apollon contre l’ancien Dieu Python, passage mythologique que nous ne manquerons pas d’étudier plus profondément ci-dessous.
Sur le plan symbolique, le serpent a des connexions évidentes avec la lune et la Terre-Mère, avec les forces vitales de la fécondité et de la fertilité. Il est l’élan premier qui génère et maintient la vie. Au niveau humain, il représente la force de l’âme et la pulsion sexuelle. C’est le tantrisme, une sagesse orientale aux racines très anciennes, en partie héritière de traditions indo-européennes, qui va nous permettre de mieux comprendre la relation existante entre pulsion sexuelle et serpent. Le tantrisme conçoit l’intérieur de l’être humain comme un cosmos en miniature. La colonne vertébrale, tout comme Irminsul ou Yggdrasil dans la tradition germano-nordique, représente l’axe du monde qui maintient l’ordre vital et autour duquel se génère toute vie. Selon le tantrisme, la colonne vertébrale, le pilier de notre corps, est entourée de plusieurs centres énergétiques nommés chakras. À la base de notre colonne vertébrale se trouve lovée la Kundalini, qui est notre serpent intérieur. Lorsque ce serpent s’éveille, il se raidit et commence ainsi l’ascension de la colonne vertébrale aux travers des différents points énergétiques que sont les chakras. En Occident, ce réveil de la Kundalini est tout simplement nommé la montée de la libido. C’est l’activation de la pulsion sexuelle, et par là même, la manifestation renouvelée de la vie.
Sur le plan cosmique et dans la tradition hindoue, l’équivalent de la Kundalini est le serpent Ananta dont le nom en sanskrit signifie « sans fin ». Tout comme le serpent-dragon de la tradition germano-nordique Niddhogg, Ananta repose à la base de l’axe du monde. Il est associé au Dieu Vishnou que l’on peut comparer à plus d’un titre au Dieu Odin. Ce serpent mythique Ananta incarne la manifestation de la vie, la résorption cyclique. Il est également le porteur du monde et garant de sa stabilité. Ce maintient de l’ordre cosmique est symbolisé par le cercle continu qu’il forme avec son corps au pied de l’axe du monde. Ce cercle magique s’oppose à toute désintégration de la stabilité et de son principe de renouvellement perpétuel. C’est la même idée de continuité cyclique que l’on retrouve avec l’Ouroboros, le serpent qui se mord la queue. L’Ouroboros exprime en plus la notion d’une auto-fécondation, d’une union sexuelle permanente en lui-même. Bachelard disait de lui qu’ « il est la mort qui sort de la vie, et la vie qui sort de la mort ». Bien que l’Ouroboros semble immobile, il est comme l’image de la roue, il est la force dynamique de ce qui tourne sur soi-même dans un mouvement sans fin, et à ce titre on peut le qualifier sans hésiter de générateur de la vie et du temps.
Dans de nombreuses mythologies, le serpent se présente aussi sous une forme hautement coléreuse justifiant ainsi toutes les craintes imaginables. Dans les mythes germano-nordiques, ce serpent redoutable se nomme Jormundgand. Plus ancien que les Dieux mêmes, il est à l’origine des marées lorsqu’il se désaltère, et des tempêtes lorsqu’il s’ébroue. Car c’est un serpent à la taille gigantesque, à tel point que du fond de l’océan où il réside, il entoure la terre entière. Il est l’ennemi archétypal du Dieu Thor, tout comme Python est celui du Dieu Apollon. Le Dieu céleste et solaire s’oppose à la force gigantesque, sombre et occulte du serpent Jormundgand, étant donné qu’ici le serpent n’est plus le garant de l’ordre cosmique mais plutôt une menace pour ce dernier. Un ancien mythe nordique nous décrit Thor, accompagné d’un géant du nom de Hymir, partant en haute mer afin de pêcher le grand serpent. Le Dieu Thor y parvient presque, mais au moment de lancer son marteau Mjölnir contre Jormundgand afin de tuer ce dernier, le géant Hymir coupe la ligne de pêche qui retenait le serpent, permettant ainsi sa fuite. Les géants dans la mythologie sont des représentants des forces chaotiques ; et c’est donc d’une manière logique qu’agit Hymir en sauvant Jormundgand ; Thor tentait de préserver l’ordre cosmique en tuant le serpent gigantesque, mais les forces du chaos sur ce coup-là furent plus vives. Lors du Ragnarok, la bataille finale entre les Dieux et les créatures du chaos, Thor parviendra à tuer Jormundgand. Mais le venin qui jaillit à ce moment du grand serpent aura raison du Dieu Thor.
Chez les grecs, c’est Océan, le Titan fils d’Ouranos, le ciel, et de Gaïa, la Terre, dont 9 spires entourent le cercle du monde, la dixième formant le Styx, un des fleuves des enfers. Des spécialistes en symboles comme Jean Chevalier et Alain Gheerbrant nous expliquent que « là aussi c’est une émanation de l’indifférencié primordial d’où tout provient et où tout retourne pour se régénérer. Les enfers et les océans, l’eau primordiale et la terre profonde ne forment qu’une materia prima, une substance primordiale, qui est celle du serpent. »
Mais revenons-en à la tradition nordique qui nous livre un autre passage intéressant concernant le serpent. Il s’agit d’un passage des Eddas, ces textes du moyen-âge scandinave qui mentionnent les anciens mythes païens des vikings. Dans le texte nommé le Skáldskaparmál, on y apprend que le Dieu Odin en quête de connaissance de l’art poétique, se rend chez la Géante Gunnlöd qui est la gardienne du breuvage sacré conférant cette connaissance. Celui qui boit de cet hydromel divin reçoit le don des poètes. La Géante Gunnlöd vivait dans une montagne, et pour parvenir à son antre par un trou dans la roche, le Dieu Odin se transforma en serpent. Il passa trois nuit avec la Géante et put boire par trois fois du précieux breuvage. Odin se transforma alors en aigle et s’échappa en emportant ainsi avec lui la connaissance divine des poètes. Derrière ce mythe se cache un symbolisme très ancien. En se transformant en serpent, Odin retourne à l’état primordial de la vie, à l’origine de l’instinct vital. Cet état originel étant lié à l’élan sexuel, c’est de manière logique et presque magique pourrait-on dire, que le Dieu Odin couche avec la Géante Gunnlöd. L’acquisition de l’hydromel sacré l’élève aux sphères de l’esprit, à la connaissance spirituelle, ce qui l’entraîne à surmonter l’état primordial du serpent pour celui de la raison et de l’être éveillé. Sa transformation en aigle confirme ce changement du niveau de conscience, étant donné que l’aigle symbolise la force solaire de l’esprit et la victoire sur l’état primordial et instinctif.
Bien que nous n’avons pas de trace d’un culte du serpent dans la tradition nordique, il est un symbole incontournable. Les vikings ont en effet laissé une quantité impressionnante de pierres gravées. Ces pierres sont couvertes d’inscriptions runiques. Les runes, ces anciens symboles de la culture germano-nordique utilisés pour l’écriture comme pour la magie, se trouvent la plupart du temps inscrites dans un serpent. Ces inscriptions très nombreuses – plusieurs milliers rien qu’en Suède – sont couramment nommées « serpents runiques ».
Ces serpents runiques sont eux aussi des témoins symboliques de la force primordiale qui est censée entourer ces inscriptions. On constate également que ces serpents gravés, en plus de se mordre souvent la queue – ce qui n’est pas sans rappeler l’Ouroboros -, forment souvent un motif artistique qui est directement à relier au symbolisme de l’entrelacs. Les entrelacs, très présents dans les cultures germano-nordiques et celtes, étaient censés confondre les mauvais esprits en les liant dans le labyrinthe de ses enchevêtrements.
Le serpent s’annexe parfois les pouvoirs du bélier, aspect fécondateur de la vitalité première, l’élan primitif de la vie, lié à l’impulsion brute, violente et indomptable. C’est le serpent criocéphale (serpent à tête de bélier) fréquent dans l’iconographie celtique et surtout gauloise. Il est associé au Dieu Cernunnos, le Dieu aux bois de cerf.
Ce Dieu est le gardien de la vie sauvage et de la nature dans son état primitif. Associé au monde souterrain et à la fertilité, Cernunnos partage sans aucun doute plus d’un élément symbolique avec le serpent. Le reptile se retire en automne sous terre pour revenir à la surface avec les beaux jours. Selon Jean-Jacques Hatt, le Dieu Cernunnos opère exactement de la même manière. Les deux sont intimement liés aux rythmes cycliques des saisons et expriment ainsi les pulsions de vie, de mort, et de renaissance.
Pour les Celtes, certains de ces reptiles donnent la vie en pondant des œufs magiques. L’œuf de serpent représente pour les druides un véritable condensé symbolique de la connaissance du monde, l’essence même de sa structure. Il est à la fois source et fruit de toute vie. C’est ainsi que parmi les mythes celtes une véritable quête de l’œuf de serpent a lieu, et il n’est pas exagéré de comparer cette quête à celle du Graal. Les légendes parlent des serpents qui se nouent dans une étreinte amoureuse pendant les mois d’été. De ces nœuds jaillissent des œufs fécondés qui sont projetés vers le haut, et qui, selon les druides, doivent être recueillis dans un manteau sans qu’ils aient pu toucher terre. Il faut ensuite se sauver de la poursuite des serpents en traversant une rivière. Mais ces œufs de serpents peuvent également être trouvés en train de flotter à contre-courant dans une rivière ; il faut alors attendre une certaine phase de la lune afin de pouvoir les recueillir. Il ressort ici une connexion symbolique intéressante entre serpent, œuf, eau, et lune : c’est la vie fécondante liée aux cycles primordiaux. Une illustration de cette connexion se retrouve parfaitement dans le symbole aquatique et lunaire qu’est la spirale.
Les Celtes considéraient aussi le serpent comme le lien qui unit les opposés. Comme nous l’avons vu ci-dessus il réunit en lui les notions de vie et de mort. Il vit selon les espèces dans la terre ou dans l’eau. Il hiberne dans l’obscurité des profondeurs mais d’un autre côté il a besoin de la lumière et de la chaleur pour vivre. Il rampe de manière horizontale tout en étant capable de se redresser à la verticale, réunissant ainsi les aspects féminins et masculins. Mais il semble à ce propos que le serpent ait surtout été une image phallique et un symbole de la puissance sexuelle de l’homme. C’est logiquement donc que le reptile en question accompagne dans la mythologie celte des Divinités liées à la fécondité et à la terre : à part Cernunnos que nous avons vu ci-dessus, on le retrouve en compagnie du Dieu tricéphale (qui pourrait bien être une autre représentation de Cernunnos), des Déesses Rigani, Sirona, Rosmerta, Verbeia, et du couple divin Borvo et Bormona.
D’autres mythes celtes d’Irlande présentent le serpent comme protecteur des naissances. Conchobar, fils du druide Cathbad et de la reine Ness, vient au monde en tenant des vers-serpents dans ses mains et leurs doit ainsi la vie. Il en va de même pour un autre héros irlandais du nom de Conall Cernach. Selon les druides irlandais, la femme devait avaler un vers afin d’augmenter son pouvoir de fécondité et protéger par là tout le processus lié à la naissance.
Un autre élément qui semble avoir retenu l’attention des Celtes et très certainement aussi celle des peuples issus du Néolithique, est la capacité du serpent à faire peau neuve et les cycles liés à sa mue. Ce symbolisme est évidemment à mettre en relation directe avec les principes de renouvellement, de renaissance, et même de réincarnation.
Dans les mythes slaves, tout comme dans les mythes d’autres cultures, le serpent se confond avec la symbolique du dragon. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les langues slaves possèdent le même mot « zmey » pour désigner le serpent et le dragon. Zmey est représenté sous ces deux formes, crachant du feu de ses nombreuses têtes – trois, six, neuf, ou douze selon les versions. Durant la création du monde, le Dieu slave Svarog, Dieu solaire et céleste par excellence, est celui qui combat et soumet Zmey. Ce serpent-dragon est la plupart du temps combattu par un Dieu ou un héros solaire, ce qui rappelle le mythe grec de Python et d’Apollon, mais préfigure aussi le St-George chrétien terrassant le dragon… Nous aurons l’occasion de revenir sur ce symbolisme tardif. Différentes sources slaves semblent par contre confirmer qu’à l’origine le serpent-dragon était un être bienfaisant et protégeait tout particulièrement les eaux et les semences.
Après avoir vu le serpent dans les cultures païennes germano-nordique, celte, et slave, dirigeons-nous à présent vers le Sud de l’Europe, vers la Grèce antique qui nous a livré un grand nombre de mythes liés au serpent. Chez les Grecs , il existe un fait d’importance concernant le serpent : le souci d’équilibrer les deux forces fondamentales qui sont celles de l’instinct naturel et de la raison. Leurs mythes ne sont donc pas à interpréter comme un désir de domination de l’esprit au détriment des forces naturelles, mais comme une quête de l’équilibre ultime. Ceci est parfaitement illustré par les Dieux Zeus et Apollon dans leurs luttes respectives contre Typhon et Pyhton.
Zeus combat férocement contre Typhon, fils de Gaïa, la Terre-Mère. Ce dernier n’est plus ici un serpent mais un terrible dragon dont les cent têtes sont entourées de vipères. Il représente ici le gigantisme des puissances naturelles contre la force de l’esprit. Athéna, la Déesse de la raison, est la seule à aider Zeus dans sa lutte contre Typhon, alors que les autres Olympiens sont épouvantés. Typhon est de nature très obscure, voire infernale. Il a pour descendance l’hydre de Delphes, la Chimère, et deux chiens, Orthos et Cerbère. Ce dernier est connu pour être le gardien des enfers, ce qui n’en fait pas en soi un être mauvais, car son rôle est nécessaire et participe pleinement de cet équilibre des forces dont nous parlions ci-dessus. La sagesse des anciens grecs ne voyait donc pas dans le serpent une incarnation du mal, mais plutôt l’indispensable côté opposé aux forces de l’esprit. Il est celui qui vivifie, qui inspire, celui grâce auquel la sève monte des racines de l’axe du monde vers le sommet. C’est la raison pour laquelle il est l’attribut de nombreuses Déesses représentantes de la fertilité et de la fécondité, comme Cybèle, Déméter, ou la Déesse aux serpents de Crète. Même Athéna, la Déesse céleste de la raison, est accompagnée dans ses représentations d’un serpent, ce qui symbolise de manière évidente l’union de la raison et des forces naturelles.
Cet aspect du rôle complémentaire brille dans les mythes grecs des Dieux de la poésie, de la musique, de la médecine, et de la divination que sont Apollon et Dionysos. Ces derniers se partagent au cours de l’année l’hégémonie sur le temple de Delphes et incarnent une alternance de pouvoir qui est le garant du grand équilibre des forces. Apollon, le plus olympien et le plus solaire de tous les Dieux, commence son histoire, selon les textes anciens, par la lutte contre le serpent Python. Il libère ainsi l’oracle de Delphes des influences démesurées du vieux Dieu-Serpent. Tout comme Typhon, Python représente dans ce mythe l’excès des forces naturelles et le déséquilibre chronique qu’il a généré dans l’ordre cosmique. Malgré sa victoire sur Python, Apollon n’extermine pas le culte ancien, car il maintient l’oracle de Delphes en faisant de lui son temple sacré. La Pythie, l’ancienne prêtresse, continue ainsi à prophétiser par le biais de ses transes et de ses extases, éléments qui caractérisent son culte. Le culte à Dionysos est une preuve supplémentaire que les anciens rites liés aux forces impulsives de la nature ne sont pas pour autant abandonnées, car ce Dieu se distingue lui aussi par des excès extatiques et des danses liées aux transes. Le monde apollinien se révèle donc être une quête de ce juste équilibre entre les deux pôles nécessaire à la réalisation de l’harmonie.
Un autre mythe grec intéressant quant au rôle du serpent, est l’histoire de Cassandre, dont Apollon devait s’éprendre plus tard. Lors de la naissance des jumeaux Cassandre et Hélénos, une fête fut organisée par les parents pour célébrer cet évènement. Mais ces derniers oublient les nouveau-nés au temple d’Apollon. Le lendemain matin, Cassandre et son frère furent retrouvés endormis. Mais grande fut leur frayeur de constater que deux serpents étaient en train de poser leur langue sur les organes des sens des enfants. Les cris des parents firent fuir les reptiles vers les lauriers sacrés du temple. Les parents comprirent alors que les serpents accomplissaient en fait un rite de purification, car par la suite les enfants furent dotés du don de prophétie.
L’histoire de Lamos est elle aussi révélatrice du rôle important que tient le serpent dans la genèse des mythes. Lamos était le fils d’Apollon et d’une mortelle. Il fut élevé par des serpents qui l’alimentaient avec du miel. À l’âge adulte, Lamos devint prêtre et le géniteur d’une longue lignée de sacerdotes. À cette histoire, il faut rajouter celle de Mélampous, devin et médecin, il fut initié à l’art prophétique par Apollon. Et ce sont des serpents, qui en purifiant ses oreilles, lui permirent de comprendre le langage des oiseaux.
Mais dans ce contexte si riche que sont les mythes des anciens grecs, c’est sans aucun doute le Dieu Dionysos qui est principalement associé au symbolisme du serpent. Il est le fruit de l’union de Zeus et de Perséphone. Pour réaliser cette procréation, Zeus se transforme en serpent. Comme nous l’avons mentionné plus haut, les rites dédiés à Dionysos se caractérisaient par des extases collectives, des possessions et des transes. Ce culte, véritable pulsion générée par la force du serpent en nous, tend à démontrer que la nature, de manière cyclique, se doit de réajuster les forces qui imprègnent l’univers mental des Dieux et des hommes. C’est la revanche des forces naturelles sur la raison, créant ainsi par leur excès un retour à l’harmonie. Par ailleurs, il faut souligner que les rites extatiques étaient connus avant la venue du Dieu Dionysos, car ils avaient vu le jour avec le culte des grandes Déesses chtoniennes qui avaient le serpent pour attribut. Et ce n’est certainement pas un hasard que durant la période où à Athènes une nouvelle vision de la société et de la philosophie prend forme, une vision où la nature humaine devait se placer sous le principal joug de la pure raison, que le culte à Dionysos et aux rites extatiques connaît un regain de ferveur très imposant.
Un autre symbole lié au serpent, né durant l’antiquité grecque, est celui du caducée, qui est l’attribut du Dieu de la médecine, Asclépios. Ce dernier l’a hérité d’Apollon. Le caducée se compose d’un bâton surmonté de deux ailes, autour duquel s’enroulent deux serpents qui se font face. De nos jours encore, il est fréquent de le voir comme symbole de l’activité médicale. Les anciens grecs donnaient une valeur sacrée et magique au caducée. Et ils enseignaient aussi que l’esprit doit en faire l’expérience sur soi-même, afin de dominer son usage thérapeutique et en faire profiter ainsi toute la société. Si l’on n’en faisait pas un usage correct, la force du caducée pouvait tuer au lie de guérir, générant alors un déséquilibre entre l’être et la partie cérébrale, pouvant mener jusqu’à la folie. Nous retrouvons donc ici encore ce soucis d’équilibre entre les deux complexes principaux qui composent la nature humaine : l’inconscient et la raison. Cette tempérance entre ces deux forces est une constante dans l’imagerie symbolique liée au serpent. Selon certaines interprétations plus récentes, le caducée serait une image de colonne vertébrale autour de laquelle montent les deux flux énergétiques procédant de la base de la colonne, solaires et lunaires, représentés par les deux serpents. Ces deux flux se faisant face symbolisent encore une fois l’équilibre et la complémentarité des deux forces apparemment opposées. Cette interprétation n’est pas sans rappeler la Kundalini et les Chakras de la tradition hindoue.
Comme nous avons pu le constater tout au long de cette présentation, le serpent revêtait pour nos ancêtres païens un double-aspect, positif et négatif, tout en sachant que l’équilibre des contraires est la clé de toute sagesse. La chrétienté, elle, n’a retenu du serpent que son aspect négatif, et le gonflera tellement, qu’il s’est vu relégué au rang du pire symbole qui puisse être. Pour le christianisme, le serpent est l’incarnation du Mal absolu, Satan. Après avoir tenté Ève au paradis terrestre, le serpent est condamné à ramper, proclamant ainsi la défaite du Mal. Il est le séducteur, le tentateur, le fourbe, et sa connotation érotique en fait une image de la dépravation sexuelle, On retrouve d’ailleurs ces mêmes idées au travers des dragons terrassés par les saints chrétiens, comme la légende de St-George par exemple, autre symbolique de la victoire du bien sur le mal. Il faut hélas constater encore une fois que le christianisme, dans son fanatisme absolutiste, a réussi à dénaturer un symbole remontant à la nuit des temps, pour en faire quelque chose complètement tronqué et falsifié. Et c’est bien à cause de cette influence négative du christianisme, qu’il est juste et nécessaire de replacer le serpent dans sa véritable dimension symbolique, une dimension dont les mots-clés sont la pulsion vitale, l’inconscient sublimé, la libido, la purification, la tempérance et l’équilibre.
Hathuwolf Harson

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